Sa démarche artistique

     Assembler, piéger, explorer, coller, détourner, immortaliser, collectionner, tels sont les mots qui pourraient définir le travail de Spoerri.

     Grand collectionneur, l’artiste va d’abord créer les « tableaux pièges ». Il colle des objets de la vie de tous les jours sur un support qu’il redresse à la verticale. Par exemple, les restes d’un repas sont fixés sur la table même où ils ont été mangés puis cette table est accrochée sur le mur.

     « Mes tableaux pièges doivent provoquer le malaise parce que je hais l’immobilité (…) j’aime les contradictions et les contrastes parce qu’ils font naître le suspens. Seul les contrastes donnent un tout » Spoerri

     Dans ses tableaux pièges, il colle les objets en relief tel qu’il les a trouvés. C’est ce qu’il aime. Ce qu’il veut, c’est amener ou inciter le spectateur à réfléchir. Il ne cherche pas à créer une œuvre comme résultat mais à attirer le spectateur sur sa démarche artistique. « Chaque tableau que je colle, c’est le reflet d’un nombre incroyable d’actions et de réactions voulues, irréfléchies et hasardeuses. Ce verre sale, ce vieux réveil, ce clou rouillé, pourquoi sont-ils là ? Ce qui me provoque, ce n’est pas le réalisme de l’objet, c’est sa mise en doute. » Spoerri

     Assembleur, il explore l’objet dans tous les sens, son contexte, sa signification, sa valeur, son importance. Il essaye de rassembler des objets ayant eu un passé en commun tout en dévoilant leur beauté. Il détourne le quotidien. Au travers de ses œuvres, l’artiste explore les objets de son entourage, les objets quotidiens et banals. Il souhaite « donner à la banalité un pouvoir de réflexion ».

     Il invente ses premiers tableaux pièges en collant des objets ramassés dans sa chambre d’hôtel. Très vite il se tournera vers la nourriture. Ces tableaux pièges sont le point de départ du eat art. La nourriture a toujours suscité l’attention des artistes, particulièrement Spoerri qui porte une réflexion artistique sur le comestible. Il fut le premier à fonder l’art sur la nourriture en créant le « eat-art », manger art. L’aliment devient alors de l’art.
     Artiste travaillant principalement avec de la nourriture, il considère que la nourriture est art et l’art est nourriture. Spoerri pose un nouveau regard sur l’acte de manger. Un acte essentiel, indispensable et qui tient une place importante chez tous les humains depuis toujours. Il porte une réflexion artistique sur ce qui est comestible et sur toute la culture autour de la nourriture.

     Ce concept dont il est à l’origine rassemble à ce jour de multiples activités.
     L’artiste va encore plus loin dans sa démarche artistique : il fait participer le tiers. En effet, l’artiste est à la genèse des œuvres d’art collectives. Il invite des convives à déjeuner puis leurs fait chacun faire leur propre tableau piège avec ce qu’il reste sur leur tables. Spoerri laisse aux participant le loisir de prendre conscience de leurs habitudes culinaires ainsi que les différentes formes que peut prendre l’art.


     Par la suite il ouvrira sa galerie « eat art gallery » et ses propres restaurants, où des repas sont organisés de telle façon qu’ensuite les couverts et tables puissent être fixés sous forme de tableaux pièges.

     Travaillant principalement sur les thèmes de la sexualité, la mort ou l’alimentation, l’artiste dénonce, dans ses œuvres pleines de réflexion, la société de consommation.

     Innovateur dans l’âme, l’artiste est à la genèse de plusieurs principes dont les détrompes l’œil où l’artiste inverse la notion de trompe l’œil. Il insère des objets du quotidien dans des tableaux. Comme par exemple dans son œuvre La Douche (visible dans l'onglet quelques de ses oeuvres) où il fixe un robinet sur un tableau représentant une cascade en montagne.

     Aussi créateur des pièges à mots, l’artiste « prend les mots au piège ». Il visualise les proverbes et dictons. Par exemple, Raining cats and dogs, est une œuvre dans lequelle des jouets représentant des chiens et chats sont fixés sur un parapluie ouvert.